Charles JULIET évoque Bram VAN VELDE sur France-Culture avec Marie RICHEUX | 19 Février 2020 | Emission PAR LES TEMPS QUI COURENT
20/02/2020
Excellent entretien avec une rare émotion et de très belles lectures à voix haute ...
Charles Juliet : "L'art doit être un lieu où trouver du vrai"
Nous recevons l'écrivain et poète à l'occasion de la parution aux éditions POL de la nouvelle édition de ses entretiens avec le peintre néerlandais Bram Van Velde. Il nous parle avec émotion de cette rencontre improbable et fondatrice, de son besoin impérieux d'écriture et de la quête du vrai.
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Charles Juliet est né en 1934 à Jujurieux dans l'Ain. À trois mois, il est placé dans une famille de paysans suisses qu’il ne quittera plus. À douze ans, il entre dans une école militaire dont il ressortira à vingt, pour être admis à l’École de Santé Militaire de Lyon. Trois ans plus tard, il abandonne ses études pour se consacrer à l’écriture.
Il a reçu le Prix Goncourt de la poésie pour Moisson en 2013 et le Grand Prix de l’Académie Française pour l’ensemble de son oeuvre en 2017.
Extraits de l'entretien
Bram Van velde était d'une extrême exigence quant à la vérité qu'il vivait et qu'il allait pouvoir transmettre sur la toile. Il était très soucieux de cette notion de vérité, de justesse, et bien souvent, il ne pouvait pas peindre, parce qu'il sentait qu'il n'était pas au niveau de cette vérité qu'il recherchait. C'était une aventure qui touchait à la mystique, en dehors de toute croyance religieuse, ce besoin d'atteindre une espèce de perfection, de beauté intérieure : d'être en contact avec le vrai. Peut-être que seules les personnes qui vivent cela peuvent se le représenter. C'est une exigence intérieure d'absolue vérité, et il ne pouvait peindre que lorsqu'il arrivait dans cette zone de vérité. Cette aventure ne peut être vécue que s'il y a là une nécessité impérieuse : il se savait peintre, et même si pendant très longtemps, rien de lui ne se vendait, il fallait qu'il reste peintre, quelles qu'en aient été les conséquences : il n'a fait qu'obéir à la nécessité qui était en lui.
Cette amitié avec Bram Van Velde a été très importante pour moi. Quand j'allais le voir, tout ce qu'il me disait s'inscrivait dans ma mémoire mot à mot, donc je n'ai jamais pris de notes, je sentais que cela aurait été déplacé. C'est en rentrant chez moi, que je jetais sur le papier l'essentiel de ce qu'il m'avait dit, pour pouvoir ensuite le reconstituer, car je sentais qu'il ne fallait pas que je le perde. A l'époque, je ne me rendais pas compte qu'il me disait des choses essentielles, qui répondaient tout à fait à ma propre démarche. J'ai eu une grande chance de rencontrer cet homme et le peintre qu'il était, parce comme il a toujours beaucoup souffert, il connaissait des choses sur la vie vraiment essentielles : je buvais tout ce qu'il me disait. Mais, pour saisir sa chance, Il faut un abandon à la circonstance, à la rencontre, et le désir de capter ce qui se dit.
Un jour, j'ai subi cette nécessité, ce besoin impérieux de me mettre à écrire, sans rien savoir de l'écriture. Je n'avais aucune culture et je me suis jeté dans le vide, sans savoir ce qui allait advenir. Ce n'était pas une décision consciente, mais quelque chose qui venait du plus profond de moi, et que j'ai mis longtemps à apprivoiser et à connaître : j'ai mis longtemps à comprendre ce que je cherchais à travers l'écriture. J'ai vécu l'écriture comme une aventure de clarification. Au départ, j'ai vécu des années infernales, parce que j'avais ce besoin d'écrire et que je n'y arrivais pas. J'avais trop de problèmes, trop d'émotions, j'étais écrasé par les grands écrivains du passé et je m'apercevais que je n'avais aucun talent. J'ai mis vingt ans pour parcourir ce long chemin, qui m'a conduit de la grande confusion, à mon premier journal publié aux éditions POL.
Le souci de l'écriture ne me lâche pas, et même s'il y a de grandes périodes d'aridité où je suis sec, où rien ne se passe, je ne force rien non plus : je n'ai jamais écrit une ligne, qui ne m'ait pas été donnée, qui ne me soit pas venue de l'intérieur.
Lectures
Charles Juliet, Rencontres avec Bram Van Velde (Editions POL)
Charles Juliet, Moissons (Editions POL)
Archives
Bram Van Velde, émission "Entretiens avec", France Culture, 1980
Michel Bouquet lit "L'innommable" de Samuel Beckett, émission "Anthologie vivante", RTF, 1963
Linda Lê, émission "Voix de femmes", France Culture, 2015
Annie Ernaux, émission "Hors champs", France Culture, 2014
Références musicales
Supersonic, Let it come
Dom la Nena et Rosemary Standley, Les Berceaux
Prise de son
Théo Gomar
Rédigé à 11:00 dans Bram van Velde, P.O.L | Lien permanent | Commentaires (0)